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Alexandre Pare - 5 décembre 2017

Introduction

Les douleurs musculaires post-exercice (courbatures) sont une manifestation fréquente suite à une activité physique inhabituelle ou vigoureuse. On a observé que de nombreux individus qui pratiquent régulièrement des entrainements à dominante musculaire considèrent que les courbatures sont, d'après eux, l'un des meilleurs indicateurs de l'efficacité de leur entrainement. En fait, il existe depuis longtemps une croyance selon laquelle les courbatures sont un précurseur nécessaire au remodelage musculaire.

1.     Microdéchirures et courbatures = VRAI

La théorie actuelle suggère que les courbatures sont liées aux bris musculaires résultant d'un exercice excessif ou inhabituel. Bien que les mécanismes exacts soient mal compris, les courbatures semblent être le produit de l'inflammation causée par des microdéchirures du  tissu conjonctif qui sensibilisent les nocicepteurs et augmentent ainsi la sensation de douleur (voir figure suivante).

                   

Les courbatures peuvent être exacerbées par l'œdème, ce gonflement exerçant une pression dans les fibres musculaires qui stimule les nocicepteurs. Les courbatures sont plus prononcées lorsque l'entrainement fournit un stimulus inhabituel ou nouveau au système musculo-squelettique. Bien que l'entrainement concentrique et excentrique puisse induire des courbatures, des études montrent que les contractions excentriques ont l'effet le plus notable sur la manifestation des courbatures. En règle générale, la douleur devient perceptible environ 6-8 heures après un exercice intense et culmine environ 48 heures après l'exercice

Les bris musculaires résultants d'un entrainement intense produiront 3 résultantes:

  • Inflammation: il est présumé que la réponse inflammatoire aigüe au site de la lésion serait un médiateur important pour les futures adaptations hypertrophiques.
  • Cellules satellites: lorsqu'elles sont stimulées par un stress mécanique, les cellules satellites stimulent la prolifération de nouvelles cellules qui se fusionne avec celles existantes, créant ainsi un remodelage du tissu musculaire.
  • Œdème: les microdéchirures s'accompagnent d'une accumulation de fluides à l'intérieur de la fibre musculaire. Le gonflement cellulaire est connu pour stimuler l'anabolisme grâce à une synthèse protéique combinée et une diminution de la dégradation protéique.

2.   Microdéchirures et hypertrophie =  Incertain

En dépit d'une croyance populaire, les études montrant une relation de cause à effet entre les microdéchirure et l'hypertrophie ne sont pas concluantes.

En effet, il a été démontré qu'il n'est pas obligatoire d'avoir des lésions musculaires pour obtenir des adaptations hypertrophiques.

En plus, il est important de noter que les dommages excessifs ont un effet nettement négatif sur la performance et la récupération de l'exercice, c'est-à-dire que des bris musculaires sévères réduisent la capacité de production de force de 50% ou plus. Une telle diminution altèrera nécessairement la capacité d'une personne à s'entrainer de nouveau à haute intensité, ce qui nuirait à la croissance musculaire. De plus, exécuter une séance d'entrainement durant la phase de reconstruction pourrait ralentir le processus de récupération globale.

En tenant compte de tous les facteurs, on peut supposer que les microdéchirures peuvent améliorer les adaptations hypertrophiques, mais cette théorie est loin d'être concluante. Un peu comme une courbe en U inversée, de nombreux systèmes biologiques s'adaptent positivement avec un stress modéré, mais se détractent lorsque le stress dépasse la limite acceptable. On peut donc croire que si les microdéchirures favorisent réellement le développement musculaire, les bénéfices optimaux seraient obtenus avec des dommages légers à modérer. Malheureusement, le degré optimal de dommages musculaires pour maximiser la croissance, en supposant qu'il existe réellement un, reste à déterminer.

3.   Courbatures et hypertrophie =  Incertain

Comme mentionné précédemment, il est vrai d'affirmer que les bris musculaires provoquent des courbatures, mais il est encore discutable quant à savoir si ces courbatures sont un indicateur précis de la quantité des dommages musculaires.

Voici 5 situations qui tendent à démontrer que le degré de courbatures ne peut pas être un prédicteur de l'hypertrophie:

a. Absence d'inflammation

Comme mentionné précédemment, l'inflammation post-exercice est un précurseur au remodelage tissulaire, mais il a déjà été démontré qu'il est possible de ressentir des courbatures sans présenter pour autant des signes locaux d'inflammation. Dans une étude sur des sujets qui pratiquaient différentes formes d'exercices excentriques inhabituels (course avec pente descendante, vélo excentrique et descente d'escaliers), les chercheurs  n'ont trouvé aucun marqueur inflammatoire après l'exercice malgré la présence de courbatures sévères. Ces résultats justifient de faire preuve de prudence lorsqu'on tente d'utiliser les courbatures comme une mesure des adaptations musculaires.

b. Type de contraction

Il convient également de mentionner que des épreuves d'endurance aérobies concentriques de longue durée (marathon et vélo) peuvent causer de nombreuses douleurs musculaires. Ces types d'exercices ne sont généralement pas associés à des adaptations hypertrophiques significatives, ce qui indique que la douleur seule n'est pas nécessairement contributive à la croissance.

c. Type de muscles

À titre anecdotique, de nombreux culturistes affirment que certains muscles sont plus sensibles aux douleurs que d'autres. Ils rapportent que certains muscles ne subissent presque jamais de courbatures, tandis que d'autres en subissent presque toujours après l'entrainement. Parce que les culturistes possèdent une hypertrophie marquée des muscles qui sont et ne sont pas enclins aux courbatures, cela met en doute la supposition que la douleur est obligatoire pour le développement musculaire.

d. Type d'exercices

On a aussi montré que les exercices de musculation qui placent la tension maximale lorsque le muscle est allongé (exercice en "muscle long") produisent plus de douleur que les exercices qui placent la tension maximale lorsque le muscle est raccourci (exercice en "muscle court"). Selon ce concept, il serait concevable de penser que les exercices en muscle court pourraient favoriser des gains hypertrophiques sans induire de douleur.

e. Accoutumance

Un autre facteur à considérer est l'habituation à l'entrainement musculaire qui a un effet sur l'étendue des courbatures. En effet, la douleur tend à se dissiper lorsqu'un muscle est soumis à des épisodes répétés du même stimulus d'effort. Donc, l'entrainement récurent d'un groupe musculaire réduirait la douleur, tout en permettant d'obtenir des résultats hypertrophiques impressionnants.

Conclusion

Puisque les bris musculaires sont liés au processus hypertrophique, il est justifié de rechercher activement ces lésions au cours d'une séance d'entrainement si l'hypertrophie est l'objectif souhaité. Étant donné que les courbatures sont un indicateur général des microdéchirures, la douleur peut fournir une information brute à savoir si elles ont eu lieu. Par contre, certaines stratégies existent pour minimiser les courbatures, comme répéter les mêmes exercices, effectuer seulement la phase concentrique des mouvements et exécuter uniquement des exercices qui appliquent la tension maximale en position du muscle raccourci. Certains muscles semblent plus prédisposés aux courbatures que d'autres et des niveaux élevés de douleur devraient être considérés comme dangereux, car c'est-là un signe que l'athlète a dépassé la capacité du muscle à se réparer efficacement.

Ces exemples nous rappellent qu'il faut faire preuve de prudence dans l'élaboration de conclusions qualitatives étant donné la faible corrélation entre les courbatures et l'étendue de bris musculaires.

Ainsi, l'utilisation du degré de courbatures dans l'évaluation de la qualité d'un entrainement est limitée, et elle ne devrait donc pas être utilisé comme un déterminant prédictif des résultats d'hypertrophie.

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Réf : Article original: Schoenfeld, B. J., & Contreras, B. (2013). Is Postexercise Muscle Soreness a Valid Indicator of Muscular Adaptations?. Strength & Conditioning Journal, 35(5). 

Traduction et adaptation : Alexandre Paré - M.Sc.,CSCS. Kinésiologue

[1] Récepteurs sensoriels de la douleur qui font naitre un message nerveux lorsqu’ils sont stimulés.

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Alexandre Pare

Kinésiologue Conférencier
Président-fondateur d'Ataraxia


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