Introduction et mise en contexte
Les lignes directrices actuelles sur l'entraînement musculaire soutiennent que des charges supérieures à 70% du 1RM sont nécessaires pour maximiser les adaptations de la force musculaire et de l'hypertrophie (ACSM, 2009). De même, le «continuum des RM» affirme que les gains en force maximale sont optimaux avec des charges de 1-5 RM et que les gains en hypertrophie sont mieux réalisés avec des charges de 6 à 12 RM (Bachle, 2008).
Ces recommandations sont fondées sur la croyance que des charges lourdes sont nécessaires pour recruter les unités motrices ayant un seuil très élevé (fibres IIx), celles-là mêmes qui engendrent les adaptations en force maximale. Il demeure incertain quant à savoir si l'entrainement avec charges légères est capable de recruter l'ensemble des unités motrices requises durant une série en musculation. Les recherches en cours indiquent que le recrutement des fibres musculaires suit le principe spatio-temporel de Henneman découvert en 1965, qui signifie que les plus petites unités motrices sont recrutées en premier lors d'un mouvement et ensuite suivent les unités motrices plus grosses lorsque les besoins en production de force augmentent.
Bien que cela semble justifier la pertinence d'utiliser des charges lourdes pour maximiser les adaptations musculaires, certains chercheurs ont postulé que l'entrainement avec des intensités aussi faibles que 30% du 1RM pourrait aboutir à un recrutement complet des unités motrices, à condition que les séries soient réalisées jusqu'à l'échec musculaire localisé (Burd 2012, Carpinelli 2008)
Méthodologie
Le but de cet article est de faire une méta-analyse afin de comparer les changements observés sur la force maximale et l'hypertrophie suite à deux protocoles d'entrainement musculaire différents; soit un fait avec charges lourdes et l'autre fait avec charges légères.
Les études répertoriées devaient comporter les critères suivants:
a) Un essai expérimental impliquant un protocole à charge légère ≤60% du 1RM et un protocole à charge élevée >60% 1RM.
b) Contenir des entrainements ayant été faits avec des séries atteignant l'épuisement musculaire localisé.
c) Évaluer la force maximale et/ou l'hypertrophie durant le protocole d'entrainement
d) Être d'une durée minimale de 6 semaines
e) Avoir des participants n'ayant aucune condition médicale connue ou des blessures affectant la capacité d'entrainement.
Au total, 21 études ont été retenues pour un total de 630 sujets dont 82% étaient non entrainés (tableau-1). Pour être comptabilisées dans la méta-analyse, les études devaient être comparables au point de vue méthodologique et se sont assurées qu'elles contenaient toutes, les éléments suivants:
1) Les entrainements de haute intensité se faisaient dans une zone moyenne de 6-11 RM (8,5 ± 2,5 rép.) avec 2-3 min de repos et ceux de basse intensité entre 18 à 34 RM (26 ± 8 rép.) avec 1-2 min de repos.
2) Les études comportaient 1 ou plusieurs exercices (total body training) avec un volume de 3-4 séries / groupe musculaire. La force maximale était mesurée par un ou plusieurs tests de 1RM (bench press, squat, leg press, test isométrique) et l'hypertrophie par mesures de composition corporelle diverses (DEXA, Bod Pod, plis adipeux, ultrasons et biopsie musculaire).
Résultats
L'entrainement fait avec des charges lourdes a montré un avantage significatif au niveau des gains en force en comparaison avec un entrainement avec charge légère. Les gains moyens étaient de 35,4% et de 28,0%, respectivement. Ces résultats respectent le principe de spécificité qui établit que plus un entrainement reproduit fidèlement les exigences d'un test, plus le transfert de l'entrainement vers ce test est important.
Ces résultats indiquent donc que, bien que des charges lourdes soient nécessaires pour obtenir des gains en force maximale, des charges plus légères favorisent également des augmentations substantielles.
Les données provenant des mesures du gain de masse musculaire indiquent une augmentation moyenne de 7,6%. Bien qu'il existe une différence d'amélioration entre le groupe avec charges lourdes vs charge légère (8,3% contre 7,0%), cette différence n'est pas statistiquement significative, mais révèle une probabilité favorisant les entrainements avec charges lourdes. Les gains moyens sont donc comparables entre les conditions de forte et de faible charge (tableau-2)
Les résultats indiquent donc que les charges lourdes et légères peuvent être tout aussi efficaces pour favoriser la croissance musculaire à condition que l'entrainement soit effectué avec un niveau d'effort élevé, jusqu'à l'épuisement localisé (temporary muscle failure).
Il est à noter que les études montrent un effet spécifique au type de fibres selon la zone d'entrainement; avec des charges plus lourdes, elles révèlent des augmentations plus importantes de la section transversale des fibres musculaires de type-II tandis qu'avec des charges plus légères l'augmentation se situe davantage dans les fibres musculaires de type-I. Cela implique un bénéfice potentiel à effectuer un entrainement dans un éventail de répétitions lorsque l'objectif est de maximiser les adaptations hypertrophiques.
Au point de vue motivationnel, on a noté un taux de présence de 87% durant les protocoles de recherche et du côté de la sécurité, les auteurs rapportent que l'entrainement fait avec une charge faible ou élevée est tout aussi sécuritaire puisque seulement 2 des 21 études incluses ont signalé des effets indésirables légers (c.-à-d. tendinopathie légère et 2 blessures mineures (1 dans chaque groupe).
Conclusion
Étant donné les gains importants sur la force maximale et sur l'hypertrophie des entrainements avec charges légères (≤60% du 1RM ) par rapport aux charges lourdes, il y a donc une étendue importante de répétitions qui peuvent être prescrites pour promouvoir la force et la masse musculaire.
Il convient de noter que toutes les études incluses dans cette analyse utilisaient l'épuisement musculaire localisée pour établir la terminaison d'une série. Par conséquent, l'application de ces résultats dans un programme d'entrainement doit tenir compte de la contribution de l'échec musculaire en phase concentrique aux résultats escomptés.
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Article original: Schoenfeld, B. J., Grgic, J., Ogborn, D., & Krieger, J. W. (2017). Strength and Hypertrophy Adaptations Between Low-vs. High-Load Resistance Training: A Systematic Review and Meta-analysis. The Journal of Strength & Conditioning Research, 31(12).
Traduction et adaptation : Alexandre Paré - M.Sc.,CSCS. Kinésiologue